Mon fauteuil, mes ailes

Le syndrome d’Ehlers Danlos peut, mais ce n’est pas une obligation, entraîner des handicaps multiples. En raison des luxations, de la fatigue et des douleurs : nombreux sont ceux à avoir recours, notamment, à un fauteuil roulant. La première fois que j’ai utilisé un fauteuil roulant, c’était en 2011. Je n’avais pas encore seize ans. Je me souviens que la première chose que j’ai fait quand on me l’a apporté, c’est mettre deux chaises l’une devant l’autre dans mon salon et tenté de faire un créneaux avec mes quatre roues. Etrangement, c’est un très bon souvenir !

Il faut comprendre que je ne sortais plus beaucoup de chez moi : fini les longues balades à pieds ou à vélo, j’attendais le retour de ma famille bien au chaud sous la couette et ça commençait sérieusement à me fatiguer. Le fauteuil m’a permis de sortir à nouveau de chez moi et de partager des moments en famille. Je ne l’utilise pas systématiquement quand je sors mais si il faut passer beaucoup de temps dehors ou si une longue balade est prévue : il est absolument nécessaire.

Au début, le regard des autres était pesant : pourquoi tant de pitié ? Ne te rends-tu pas compte d’à quel point je suis heureuse de pouvoir à nouveau vivre une vie normale ? Et pourquoi ces regards de biais dès lors que je me lève pour passer une marche ou deux ? Je ne suis pas un imposteur ! Regardez le prix d’un fauteuil roulant, ça m’étonnerait que beaucoup de personnes s’en achètent un « juste pour le plaisir ».

Non, Non : je ne veux pas de votre pitié. Mon fauteuil roulant, c’est mes ailes, ma liberté. Dans la famille, on en rigole et on le surnomme « ma ferrari » (en plus il est rouge). D’ailleurs en parlant de surnom, voilà un article sympathique sur les différents surnoms que l’on peut donner au matériel médical qui nous entoure. Il faut bien comprendre que sans mon fauteuil roulant, je ne pourrais pas mener la vie que j’ai aujourd’hui. L’université ? Ce ne serait pas possible ! J’ai quatre heures de transport par jour, c’est épuisant ; puis il faut encore tenir toute la journée ce qui serait impossible si je ne restais pas assise. Sans parler des sorties entre amis, des parcs d’attractions, des courses… On me demande souvent si je pourrai un jour cesser de l’utiliser : de une, cela m’étonnerait, de deux, je ne me forcerai pas à rester debout sans cesse si c’est pour amoindrir ma qualité de vie.

Tiens, je vais te dire quelques petites choses à propos de mon fauteuil roulant et de la manière dont je souhaite que l’on se comporte vis à vis de lui. Déjà, j’ai tendance à penser qu’il s’agit d’un moyen de transport, un peu comme un vélo ; par contre je ne supporte pas qu’on le touche si l’on ne me connait pas car il fait un peu parti de moi. Si tu touches à mes poignets, c’est un peu comme si tu me touchais l’épaule : attention, je peux mordre ! Par pitié, de la même manière que tu n’as pas à le toucher si tu ne me connais pas ; ne me pousse surtout pas sans me demander si je suis d’accord. C’est extrèmement désagréable : je ne suis pas un caddie et je veux pouvoir décider du lieu où je vais, du moment où j’ai besoin d’aide. Mes amis le savent, mais souvent, des personnes bien intentionnées veulent m’aider en me soulageant de quelques coups de bras et cela m’angoisse et m’énerve plus qu’autre chose. De la même manière : si je refuse ton aide, n’insiste pas. Il n’y a pas à discuter et je pense que toutes les personnes utilisant un fauteuil roulant seront d’accord avec moi.

Le fauteuil roulant est un objet absolument symbolique pour les personnes qui ne sont pas en situation de handicap. Le fauteuil roulant fait peur, je pense qu’il donne l’impression que la personne qui l’utilise est diminuée. Ce n’est pas le cas ! J’ai plutôt l’impression que mon fauteuil roulant gomme mon handicap, je peux faire beaucoup plus de choses quand je l’utilise. Certes, il entraîne de nombreuses galères puisque notre paysage quotidien n’est pas fait pour les roulettes ; mais ça n’est pas tant la faute du fauteuil que des bâtiments et des routes qui ne sont pas adaptées. Je pense souvent aux personnes avec des poussettes ou une jambe cassée : il s’agit d’une situation passagère certes, mais pendant cette période ils font face exactement aux mêmes problèmes. Pour l’accessibilité, il y a encore beaucoup de choses à faire.

En parlant de galères en fauteuil roulant, as-tu vu l’onglet en haut de la page qui s’appelle Des Bâtons Dans Les Roues ? Va y jeter un oeil, c’est plutôt rigolo ! Et n’hésite pas à m’envoyer ta participation sur ma boîte mail constellationduzebre@gmail.com.

9 réflexions sur “Mon fauteuil, mes ailes

  1. Ma fille de 12 ans est diagnostiquée SED depuis 2 mois et vient d’avoir son 1er fauteuil. Cela fait 3 ans que notre famille ne sortait plus. Cela gâchait trop les sorties de voir sa fatigue monter, monter au fur et à mesure elle s’intéressait de moins en moins à la sortie et cherchait constamment des endroits ou s’assoir. Et la hantise quand on se déplaçait d’être garés trop loin pour elle! Elle est folle de joie depuis. Elle demande constamment à partir en ballade. Et effectivement au retour de la pharmacie, elle m’a dit avec les yeux brillants de fierté et de joie « c’est MON fauteuil ». Oui c’est un prolongement, et oui c’est la liberté, même pour toute une famille dans notre cas. (Merci pour l’idée du prénom).

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    • Merci beaucoup pour ton témoignage Val ! Je suis très heureuse pour ta fille c’est vraiment une super nouvelle ! Effectivement, je me souviens des balades ou j’avais constamment besoin de m’asseoir et peur de ne pas pouvoir retourner ensuite jusqu’à la voiture : le fauteuil est une vraie libération. Je vous souhaite à tous de faire de belles sorties en famille !

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  2. Merci pour ta vision du fauteuil. Je viens de partager ton texte sur ma page FB et j’ai sais que je vais m’attirer les foudres de mes amies anti-fauteuil, me concernant.
    Je le visualise effectivement comme des ailes puisque qu’en plus du SED j’ai depuis 6 mois 1 fracture à la cheville. Donc 6 mois de fauteuil…

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