La LMDE, ou comment mettre en péril la santé des jeunes

Alors qu’on aurait pu espérer que la situation de la LMDE s’arrangerait suite à sa mise sous tutelle en 2015, force est de constater que les étudiants doivent continuer à batailler pour leur santé. Cela fait maintenant six mois que j’attends le retour providentiel de ma prise en charge en ALD. Dans l’impossibilité d’avancer mes frais santé, je suis sans cesse obligée de peser le pour et le contre chaque fois que je dois voir un médecin, je hiérarchise les urgences et je repousse chaque fois un peu plus les échéances des rendez-vous. 

Blouse blanche de médecin en gros plan, un stéthoscope autour du coup et des stylors qui dépassent de la blouse

 

Une histoire d’ALD

La prise en charge à 100 % en affection longue durée (ALD) est un dispositif permettant aux personnes atteintes de pathologies graves, chroniques, et/ou nécessitant une prise en charge solide de ne pas rester démunies face à des frais de santé onéreux. Elle permet une meilleure prise en charge des divers traitements, hospitalisations, aides techniques et paramédicales. Sans ce dispositif, les malades ne disposant pas de revenus suffisants sont privés des soins nécessaires à leur affection. Cette prise en charge est quasi-systématique pour les personnes atteintes de pathologies lourdes et, d’ordinaire, elle se met en place en quelques jours à peine.

Aujourd’hui, je fais parti des exceptions.

Parcours du combattant

Depuis mars 2017, je mène un véritable combat face au géant de la sécurité sociale étudiante. Après avoir essuyé un refus suite au renouvellement de mon ALD – dont je dispose depuis 2011 – par mon médecin traitant, j’ai monté un dossier pour contester la décision prise par la commission médicale.  Ma pathologie ne répond pas aux critères d’admission ? D’accord, mais qu’est-ce qui a changé depuis mon dernier renouvellement en 2013 ? Je n’ai pas miraculeusement guéri.

J’ai de la chance que les médecins qui me suivent m’épaulent dans mes démarches et me soutiennent de leur mieux. Grâce à eux, le dossier que j’ai envoyé en recommandé (pour une petite fortune) à la LMDE était on ne peut plus complet, et il n’y avait que peu de chance que mon recours soit refusé. J’ai rapidement reçu une convocation auprès du médecin expert qui allait décider de mon sort. Quel soulagement quand celui-ci a appuyé ma demande ! Les mois avaient passé et nous étions déjà au tout début du mois de juillet. Il n’y avait plus qu’à partir en vacances sans stress et attendre le retour de la commission médicale.

Mi-août, alors que je n’avais toujours aucun retour de la part de la sécurité sociale et que la prise de certains rendez-vous médicaux se faisait de plus en plus urgente, j’ai pris le parti d’appeler directement la LMDE pour savoir où en était mon dossier. On m’annonce alors que le service médical a accepté ma prise en charge en ALD, et jusqu’à 2022 s’il vous plaît ! Je saute de joie. Selon le conseiller qui me répond au téléphone, le service administratif mettra bientôt à jour mon dossier. Ce n’est plus qu’une question de jours. On m’explique aussi que j’ai déjà reçu une lettre confirmant la prise en charge en ALD en date du onze juillet. Quelle lettre ? Ni mon médecin ni moi-même n’en avons trace. Le service accepte de m’envoyer un duplicata. Pas de problème.

Seulement, la joie est de courte durée : le courrier, son duplicata, la mise à jour de mon dossier… Rien n’arrive, rien ne change. Bientôt trois mois après que la commission médicale a accepté ma prise en charge, six mois après mes premières démarches, je ne peux toujours pas prendre soin de ma santé autant que je le devrais. Et ce ne sont pas la dizaine d’appels passés, la visite auprès de leur agence, les mails, etc., qui vont y changer quelque chose !  Certes, les conseillers au téléphone sont toujours très positifs – et ils peuvent l’être ! J’ai déjà plus de dix euros de hors-forfait à cause de leur ligne surtaxée -, mais du point de vue des actes, c’est le néant. La situation n’a pas évolué d’un pouce.

Se battre contre des moulins à vent

Je suis dans l’impasse : depuis quelques mois, je renonce à me soigner correctement et évite de prendre la majorité des rendez-vous médicaux vers lesquels mes médecins me dirigent. D’ailleurs… pendant combien de temps encore pourrai-je voir mon kinésithérapeute deux fois par semaine s’il faut que j’avance les frais et, qu’en plus, la sécurité sociale se sert dans la caisse avant de me rembourser ? La spécialiste du syndrome d’Ehlers-Danlos de Garches souhaite que je me fasse hospitaliser rapidement pour limiter la casse, mais avec mes revenus d’étudiante et sans l’ALD… Pour le moment c’est impossible. Parfois, j’ai le sentiment d’être un Don Quichotte des temps modernes. Non pas que « l’ennemi » que je combats n’existe pas, mais ma bataille semble bien vaine…

Comme l’urgence de ma situation se fait chaque jour un peu plus sentir, j’essaie de prendre les choses en main. Je frappe à toutes les portes pour obtenir de l’aide : association, médiateur, assistante sociale et même tribunal… La situation ne se débloque pas pour autant. Pire, même ! J’apprends des choses complètement aberrantes ! Le tribunal de la sécurité sociale que j’ai contacté affirme ne pas être compétent pour les affaires qui concernent le régime social étudiant. Nous autres, jeunes, n’avons donc aucun moyen de faire valoir nos droits ? N’avons donc nous aucun droit ?

Tout cela pour un simple dossier qui n’est pas mis à jour… Est-ce simplement le fait de la lenteur légendaire des services administratifs français ? Ou bien un oubli de leur part ? Mais un oubli ne peut pas se répéter systématiquement, si ? Chaque fois, au téléphone, on me confirme que la demande a été retransmise en urgence. Si mon dossier n’évolue pas alors qu’il est censé être au-dessus de la pile… Alors qu’est-ce qui se passe ? On me dit que tout va bien et qu’il faut simplement être patiente, que c’est inutile de rédiger une nouvelle ALD (ce qu’a tout de même fait mon médecin, juste au cas où).

Chère LMDE, je ne demande qu’à être en de bons termes avec vous qui êtes censés être les garants de ma santé. Alors, si je peux vous aider d’une quelconque manière, dites le moi ! Il n’y a aucune honte à avouer que l’on a perdu un papier si tant est qu’on le dit le plus rapidement possible, que l’on réagit. La politique de l’autruche n’est certainement pas une solution. 

Le pire dans cette affaire ? Deux problèmes se superposent : d’une part l’administration de la LMDE ne met pas à jour mon dossier contrairement aux directives du service médical, mais d’autre part, elle ne m’envoie pas non plus le fameux courrier qui confirme cette ouverture de droit à la prise en charge à 100 %. Si je n’ai aucune preuve à fournir aux professionnels de la santé que je rencontre de cette (future) prise en charge pour leur demander de patienter, je n’ai aucune preuve non plus à fournir à un avocat ou à un médiateur. Tout passe par l’oral. Demander de l’aide à des tiers s’avère donc d’autant plus difficile. À croire que la mutuelle des étudiants le fait exprès. Que cherchent-ils ? À gagner du temps ? Est-ce que je leur coûte trop cher ?

LMDE récidiviste

L’inefficacité des services administratifs de la LMDE peut avoir de graves répercussions sur la vie des étudiants affiliés. Aujourd’hui, je tiens à clamer haut et fort que oui, la LMDE me met en danger, et ce n’est pas la première fois ! L’idée de quitter mes études pour avoir une véritable prise en charge de ma santé m’a plusieurs fois effleuré l’esprit. Notamment, je me suis battue pendant plusieurs années pour faire réparer mon fauteuil roulant. Je n’ai jamais reçu de réponse à mes devis. Impossible de sortir six cents euros de ma poche, je continue donc de me déplacer avec un fauteuil aux roues tordues qui se détachent de temps en temps et dont je fais retendre les rayons par les gentils employés du Décathlon du coin. Dernièrement, la tige fileté qui maintenait l’axe central du fauteuil a cassé alors que je partais pour une balade en amoureux… Qui s’est terminée chez Leroy Merlin à tenter de trouver une pièce similaire à celle brisée par l’usure, et vas-y que je scie la tige sur un coin de table en espérant que ça passe. Avec une véritable couverture santé, je n’aurai jamais dû faire face à de telles situations.

Pour mon fauteuil roulant, j’ai fini par abandonner. Son mauvais état me met en danger, je ne suis pas à l’abri d’une mauvaise chute, c’est déjà arrivé. Que se passera-t-il, d’ailleurs, le jour où une pièce que je ne pourrai pas remplacer grâce au Système D cassera ? Je resterai immobilisée chez moi dans l’impossibilité de le faire réparer ? Peut-être… Mais pour l’ALD, impossible pour moi d’attendre encore des mois qu’un miracle se produise (le miracle, ce sera peut-être bien la fin de l’année scolaire qui sonnera également le glas de la fin de mes études). J’ai absolument besoin d’un accès décent aux soins, les repousser n’est pas sans répercussions sur ma santé. Si pour cela je dois remuer ciels et terres, je le ferai, mais je suis fatiguée de me battre pour l’un des droits les plus fondamentaux en France.

Le vrai problème de mon histoire, c’est qu’elle n’est pas isolée. Allez donc faire un tour sur un moteur de recherche pour le constater. Retard ou absence de remboursements, difficultés à obtenir une attestation d’affiliation ou une carte vitale, multiples défaillances pour les ALD… La situation des étudiants en matière de santé est très préoccupante, alors… Qu’est-ce que l’on attend pour mettre un coup de pied dans la fourmilière ?

5 réflexions sur “La LMDE, ou comment mettre en péril la santé des jeunes

  1. J’ai eu des problèmes similaires avec la CPAM et la LMDE. La CPAM a refusé de traiter mon dossier de renouvellement d’ALD et m’a demandé de l’envoyer à la LMDE. Entre temps il s’était écoulé plus d’un mois et je n’étais alors Plus sous ALD. La LMDE m’a dit qu’il mettrait 3 mois pour traiter mon dossier. Les factures s’entassant à la pharmacie, La pharmacienne à appeler La LMDE pour qu’elle a bouge les fesses. Il m’a fallu un mois de Plus pour constater en réactualisant ma carte vitale pour constater que mon ALD etait enfin renouvelée. Heureusement que c’est à cette époque Là que j’avais décidé d’arrêter le traitement par pompe à apokimon. Sans cela j’en aurai eu pour plusieurs milliers d’euros de ma poche par mois

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    • Dès lors que nos traitements sont chers et réguliers les conséquences peuvent être dramatiques… Heureusement que tout s’est bien terminé pour toi ! Si jamais je recevais beaucoup de réponse, je pense que je ferai une petite tribune pour mettre en avant les expériences des autres vi-à-vis de la LMDE, est-ce que tu accepterais que j’utilise ton commentaire dans ce cas ?

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      • Pas de soucis. À cause d’eux j’ai dû payer des frais supplémentaires lors de ma dernière hospitalisation. En plus je ne perçois que très rarement mes remboursements. Ils ont toujours une parade pour ne pas rembourser ce qui m’est normalement dû.

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